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Le blog de Jacques Montaignac

Paroles, articles... par Jacques Montaignac

INTERVENTION "LA DEMOCRATISATION CULTURELLE"

Publié le 13 Avril 2012 par Jacques

 

 

Colloque Festival Off – 12 avril 2012

 

Présentation personnelle

 

J'interviens aujourd'hui  non seulement comme Directeur Général de la Culture d'Avignon, mais surtout comme Président délégué des DAC des grandes villes françaises. Aussi et je ne l'oublie pas, avoir rédigé les premiers statuts d'Avignon Public off en 1981 avec Alain LEONARD pour la rédiger.

 

 

 

Ce thème de démocratie culturelle est pour nous, Directeurs de l'Action Culturelle des Grandes Villes, un thème porteur et qui nous tient à cœur.

Aussi il m'avait été facile de montrer combien de débats ont eu lieu sur ce sujet et les tentatives de le développer avec bien des difficultés, de faire partager ce thème dans l'Action Culturelle aux Elus, au monde politique préoccupé par l'immédiat de l'élection renouvelée.

 

Si on accepte la définition de  la culture dans son sens le plus large, on la considère comme "l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social". Elle englobe donc, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. Même la langue, la façon de s'habiller, la musique que l'on écoute et bien entendu le théâtre, tout cela fait partie de notre culture. La démocratie est, elle, une invention des hommes, elle est fragile et doit  pour exister être réinventée en permanence, en ce sens la démocratie culturelle qui en découle doit à mon avis aider à ce renouvellement.

L'impression que j'ai, conforme à celle d'Alexandre Laraque, "la démocratie émane de la culture qui elle-même sous-entend la démocratie".

 

Les valeurs fondamentales de la démocratie sont la liberté et l'égalité. La liberté, car nous sommes tous libres de choisir et de nous exprimer, donc de choisir nos valeurs culturelles, l'égalité dont l'opinion, "mon choix a la même valeur que le tien".

 

C'est donc dans la signification et la portée de ces valeurs que se situe toute la différence entres les deux concepts de démocratisation de la culture et de démocratie culturelle.

 

Je vais donc dans mon propos ci-après, sommairement, car j'ai essayé de synthétiser pour laisser du temps au débat et pour expliquer le rôle que le OFF peut jouer, définir les deux concepts; ceci  nous permettra vis à vis  du Off à contrario de préciser son rôle dans l'avenir.

 

Après la guerre, les pays vainqueurs dans leur élan de démocratie ont axé leur politique culturelle sur la démocratisation de la culture. On part du principe que, pour que les citoyens exercent la démocratie, il faut qu'ils soient au même niveau.

 

L'idée était que la culture pouvait aider à réduire les écarts entre les classes sociales afin d'avoir une société plus homogène.

 

Mais comment arriver là ?

La réponse à cette question se trouve dans les solutions aux droits d'accès à l'éducation, d'accès à la culture.

 

Il fallait donc démocratiser la culture en employant des politiques culturelles favorisant  l'accès des classes marginalisées à l'éducation et à la culture en général.

 

C'est là le concept de démocratisation culturelle, qui consiste à faire accéder le plus grand nombre à la culture de l'élite. Il s'agit alors de maintenir de hauts standards de qualité basés sur les formes d'expression considérées les plus nobles (opéra, donc le théâtre).

 

Le rôle de l'Etat et des Collectivités dans ce modèle est de stimuler la production culturelle en donnant son soutien aux activités artistiques.

Tout ce qui a trait aux objectifs visés, au financement, aux normes de qualité, aux stratégies et secteurs d'intervention est déterminé par des groupes restreints de professionnels ou d'experts.

Il est pour moi évident que ce sur ce concept le Off doit jouer un rôle avec les pouvoirs publics en devenant un abri et un acteur de l'expression spontanée des artistes et des publics ; ne pas laisser faire seul les experts.

 

Par contre la démocratie culturelle est dans ce sens opposée à la démocratisation culturelle. La démocratie culturelle pour nous, dénonce la supériorité d’une forme de culture sur les autres, tout en prônant la diversité des formes d’expression.

Contrairement à la démocratisation de la culture, elle privilégie les interventions favorables au libre choix et à la diversité. Donc, le rôle du Off sur ce point est fondamental, il doit agir et devenir un des leviers localement et nationalement pour un développement de la démocratie culturelle.

 

Ce modèle que j'exprime et que je soumets à vôtre réflexion, c'est d'accompagner l'Etat et les Collectivités dans leurs actions, de poursuivre des finalités d’intérêt national, régional et local, de préserver l’identité culturelle d’un territoire, thème auquel nous sommes particulièrement très attachés et que nous considérons comme égaux.

 

A la suite de cet atelier, le chantier de travail que je propose où je souhaite engager vos instances, est de promouvoir la démocratie culturelle et sa riche diversité.

Je suis convaincu que les politiques culturelles des gouvernements nationaux et locaux, devraient donc combiner ces deux modèles, s’appuyer sur des acquis de la démocratisation culturelle en favorisant la démocratie de la culture. Ce projet doit s'expliquer également sur notre territoire.

 

Un des rôles du Off, serait de devenir un opérateur majeur de cet enjeu.

Ainsi, il favorisera  notre attachement à l’essor d’une société reconnaissant la culture de tous, offrant grâce à son foisonnement les droits et les moyens de son émancipation et donc de se fonder, de se développer comme acteur de "Culture", dans son originalité la plus singulière.

 

Il a tout les atouts, pour être un organisateur du débat, faire entrer le partage de la culture commune avec les acteurs nationaux.

C’est cela que nous nommons, avec bien d’autres, " la démocratie culturelle". Se cultiver c’est sortir de sa culture propre. Ce n’est pas faire sécession, c’est entrer en partage d’un bien commun. Sur ce point le rôle présent et futur du Off est d'après moi fondamental, je compte sur mes amis qui le dirigent.

 

Moi qui à mes débuts avec Paul Puaux, ai vécu le festival en régie directe rattaché au Service Culturel, dont j'étais l'administrateur, je ne peux que conforter ces propos vous le comprendrez, par l'exemple du Festival d'Avignon.

Le Festival d’Avignon, est né dans la dynamique de grandes conquêtes sociales et économiques de la libération porté par son créateur Jean VILAR. 

Nous célébrons son centenaire et il semble que son œuvre dépasse maintenant les clivages  politiques et institutionnel or chacun s'en revendique. Pour lui la protection sociale, l'affermissement des services publics et de la fonction publique, l'émergence de politique culturelle publique et la décentralisation théâtrale étaient primordiales.

 

Son action, les valeurs de citoyenneté, de solidarité, d'émancipation étaient pour lui ce qui sous-entendait sa véritable conviction.

Je rappelle sa phrase historique: « Le TNP est donc au premier chef un service public. Tout comme le gaz, l’eau, l’électricité. » Cela illustre bien l’ampleur de son ambition.

 

Le festival d’Avignon IN et Off est emblématique, symbolique de cette volonté éminemment  politique. Il concentre, rassemble, en quelque sorte cet héritage. Le développement, l'organisation du Off se doit d'en être un acteur principal.

 

La bataille menée y compris avec le Festival Off  était une aventure conduite, avec beaucoup de ténacité, mais aussi avec pas mal de difficultés et de fragilités, en connivence et amitiés avec les initiateurs.  Je ne peux que m'en inspirer pour démontrer au Off et à le persuader qu'il est légitime dans l'action de cet héritage.

Pour sa mémoire, je partage fortement cette conviction, la démocratie culturelle doit se vivre sous l’angle des pratiques et aspirations culturelles, avec des effets parfois très contradictoires ;  rapide, violent et parfois effrayant, sidérant, cela peut devenir, injuste pour les populations.

 

 

EN CONCLUSION

 

A l’heure de la révolution de l’information et de la connaissance, les nouvelles technologies ne conduisent pas automatiquement à la démocratie culturelle. La surabondance de produits et de services va de pair avec la standardisation. Garantir la diversité culturelle implique l’accès à la création de l’ensemble des catégories populaires.

 

Pour cela, des structures de rassemblement d'idée ; levier d'actions doivent exister et permette de préserver malgré les experts, malgré les élus, une pluralité dans tous les niveaux de la culture.

 

Le Off demeure et demeurera un merveilleux creuset ; un espace culturel peut être unique en France à cette rencontre et il permet que la consommation artistique prédispose, qu'on le veuille ou non à une fonction d'atténuation des différences sociales.

 

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