Montaignac, un expert culturel à l'export

Article la Provence du mardi 29 décembre 2009

Les villes qui convoitent le label de Capitale de la culture consultent le directeur des services culturels d'Avignon

A Fes, Jacques Montaignac (2e à gauche), avec Hakima Ait El Cadi, le ministre de la Culture du Qatar, le conseiller du roi du Maroc, le vice-patriarche de l'Église orthodoxe et le Grand Mufti de Jérusalem

C'est une voix âpre, rugueuse. Une figure locale que les directeurs de lieux culturels d'Avignon ne connaissent que trop bien depuis les années 1980. Jacques Montaignac, 61 ans au compteur, dirige les services culturels de la Ville. Un postulat de l'ombre qui a fait vivre au grand jour de nombreux dossiers névralgiques, de la naissance de l'Orchestre régional l'Olrap à la deuxième vie de la livrée Ceccano, sans omettre l'accompagnement au quotidien avec les lieux permanents qui jalonnent la cité des Papes. De l'Espagne au Maroc Depuis quelque temps,Jacques Montaignac est aussi très plébiscité en Europe mais également au Moyen-Orient.L'expertise assurée de celui qui posa, en amont, les jalons d'Avignon capitale européenne de la culture (en 2000), constitue un passeport qui, aujourd'hui, ouvre grandes les portes hors de nos frontières. Pour concevoir son projet de capitale européenne de la culture en 2016, la ville espagnole de San Sebastian fait appel à trois experts internationaux. Dont Montaignac. Idem pour Maastricht la hollandaise qui court après ce label en 2018 ou Sienne l'Italienne en 2019.

Plus fort encore, cette fois, c'est de l'autre côté de la Méditerranée que l'Avignonnais est intervenu il y a quelques jours. A l'Université de Fes (Maroc), le vice-président de l'association des directeurs de l'action culturelle des grandes villes françaises a tenu conférence. Le thème? Les synergies entre le Vieux continent et le monde arabe, qui, depuis quelques années, a lui aussi pris en marche le train des capitales culturelles. "L'idée est de réfléchir à des passerelles sur des projets concrets, notamment à partir de 2011 et surtout 2013, puisque ce sera le tour de Marseille" explique celui-ci qui a fait le déplacement marocain à l'instar d'une autre Avignonnaise, Hakima Aït El Cadi , présidente, elle, de l'association Transmed. Lorsqu'en 2008, Marie-Josée Roig le fait chevalier dans l'Ordre national du mérite, l'ancienne adjointe à la Culture utilise des mots pesés et choisis : "Mon cher Montaignac, si vous n'existiez pas, il faudrait vous inventer; cette mairie manquerait un peu de pittoresque sans votre personnalité."

Car l'homme, naguère champion du Vaucluse et de Provence, est un vrai stratège...aux échecs. Dans ses souvenirs personnels, l'année 1981 joue à cet effet les rôles principaux. Cette année-là, à Avignon, il affronte un maître des échecs, l'imposant Boris Spassky (champion du monde 1968-1972). "J'ai joué la variante "Sicilienne du Dragon" , ma spécialité à l'époque, et j'ai gagné cette partie". Un peu comme si un bon serveur-volleyeur marseillais étrillait l'as des as Roger Federrer, sans coup férir. Il faut dire qu'à l'époque, Jacques Montaignac venait de bénéficier des conseils d'un autre cador de la Reine et du fou, Bobby Fischer. "Il me montra qu'en avançant un pion au dixième coup, ma position devenait bien supérieure une quinzaine de coups plus tard. Je m‘en suis souvenu toute ma vie "échiquéenne"" explique t-il sur son blog personnel.Homme-clef de la mairie, Montaignac aimerait maintenant s'investir pleinement dans la Communauté d'Agglomération du Grand Avignon, où il y a tout à faire en matière culturelle. En parallèle, le néo-expert international tentera de jouer les Phileas Fogg de la note juste.

Nul n'est prophète en son pays

Vous êtes expert international mais le Grand Avignon ne vous sollicite pas...

C'est vrai que la politique culturelle du Grand Avignon m'interpelle, elle me fait penser au "Double portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde. Pourtant, ma collaboration n'était pas monnayée, elle ne concernait que 8% de mon salaire reversé entièrement à la ville d'Avignon. Ils ont préféré engager des cabinets d'étude à prix d'or...

Est ce Mme Roig qui n'a pas souhaité votre venue?

Je ne le crois pas car elle m'a toujours dit qu'elle y était favorable et nous avons ensemble monté de nombreux dossiers depuis 26 ans, elle l'a rappelé publiquement lors du conseil municipal d'Avignon du 17 décembre.

Est-ce alors le premier vice président Alain Cortade ?

Peut-être pour l'instant, mais c'est un homme très intelligent et je suis, comme lui, intronisé comme Grand Maître de la Confrérie des ânes. Je crois que sur la culture il est mal conseillé. De qui parlez-vous ? J'y reviendrai plus tard avec des exemples et des chiffres précis.

Fabien BONNIEUX